mercredi 12 octobre 2011

"La centième nuit"

Bonne nouvelle : la météo de ce samedi s'annonce clémente, et l'observation des étoiles prometteuse...

En attendant que l'obscurité tombe, quatrième et dernier des "contes de la nuit" ...   Inspiré de la version présentée sur le blog d'Henri Gougaud

Derrière les lunettes d'écailles rondes, on devine à son regard distrait un grand savant, philosophe, poète à ses heures.  Or ce grand savant, philosophe, poète à ses heures, tombe un jour éperdument amoureux d'une dame.  Amoureux fou !  Tellement amoureux, qu'il ne sait plus faire une addition, qu'il ne comprend plus la plus élémentaire équation, qu'il en oublie même ses tables de multiplication !  Il ne pense qu’à son aimée, ne parle que d’elle, ne voit qu’elle dans ses songes.  Cette dame, flattée mais plus encore inquiète d’un amour si brûlant, décide, avant de lui céder, d’imposer une épreuve à cet amant apparemment indélébile. “Vous m’aimez ? lui dit-elle. Grâces vous soient rendues. Permettez cependant que je m’en assure. Venez cent nuits durant veiller sous ma fenêtre. Si vous êtes assez constant, quand s’éteindra le cent et unième jour, je vous lancerai la clé de ma chambre, que je vous permettrai de recevoir comme la clé de mon coeur."
Fou d'espoir, le grand savant, philosophe, poète à ses heures, vient la première nuit.  Il déplie son tabouret, s'assied sous la fenêtre, et, du crépuscule à l'aube, il contemple, éperdu de bonheur, sa bien-aimée...  
Le grand savant, philosophe, poète à ses heures, vient la deuxième nuit.  Il déplie son tabouret, s'assied sous la fenêtre, et, du crépuscule à l'aube, il contemple, éperdu de bonheur, sa bien-aimée...    
La troisième nuit, notre grand savant, philosophe, poète à ses heures, déplie son tabouret, s'assied sous la fenêtre, et, du crépuscule à l'aube, il contemple, éperdu de bonheur, sa bien-aimée...    
La quatrième nuit, notre grand savant, philosophe, poète à ses heures, déplie son tabouret, s'assied sous la fenêtre, et, du crépuscule à l'aube, il contemple, éperdu de bonheur, sa bien-aimée...     
La cinquième nuit, .... : vous l'avez compris, notre grand savant, philosophe, poète à ses heures, vient dix nuits, vingt nuits, cinquante nuits, fidèlement, du crépuscule à l’aube, sous la fenêtre de la chambre où dort sa bien-aimée. Il vient ainsi quatre-vingt-dix-neuf nuits. La dame, flattée de tant de preuves d'un amour constant et impérissable, se faisait belle devant son miroir, dans l'attente fébrile de la centième nuit ...
Imaginez la profonde et secrète jubilation qui envahit notre amant redevenu philosophe, cet avant-dernier matin où il abandonne son tabouret et retourne chez lui. 
La centième nuit, notre grand savant, philosophe, poète à ses heures, ne revient pas...

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